Robert Desnos est né le 4 juillet 1900 à Paris, près de la Bastille. Très tôt, ses parents viennent s’installer dans la maison qui fait le coin de la rue Saint-Martin et de la rue des Lombards (au sixième étage), en face de l’église Saint Merri. C’est un quartier auquel il restera attaché toute sa vie, et dont il parlera souvent dans ses poèmes. Son père est rôtisseur de volailles et mandataire aux Halles. Il est également adjoint au maire de son arrondissement.
Le jeune Robert ne fait pas de bonnes études : le climat scolaire ne lui convient probablement pas. D’ailleurs, à seize ans, il entre comme commis chez un droguiste de la rue Pavée. Mauvais élève, soit, mais déjà attiré par la littérature : en 1917, il publie ses premiers poèmes dans La Tribune des jeunes, revue socialiste, et commence à noter ses rêves, ce qui est plus surprenant.
En 1919, Robert Desnos aborde en professionnel le métier des lettres : secrétaire de l’éditeur Jean Bonnefon, il publie également des poèmes dans Le Trait d’union . Il compose Le Fard des Argonautes en alexandrins soigneusement rimés et fait la connaissance de Benjamin Péret chez un ami commun.
De 1920 à 1922, Desnos accomplit son service militaire au Maroc. À son retour, Dada consume ses dernières braises. Le jeune poète collabore à la deuxième série de Littérature . Dès que le groupe surréaliste prend forme, Péret l’emmène au Certa , bar aujourd’hui disparu du passage de l’Opéra, où Breton réunissait ses nouveaux partisans. On s’y livre à des expériences d’écriture automatique, notamment sous hypnose. Très vite, Robert Desnos prend une importance singulière, à cause de son admirable (et inattendue) capacité à s’endormir et à dicter des poèmes pendant son sommeil. La première séance de ce genre (historique, donc) a lieu le 25 septembre 1922, avec également René Crevel et Benjamin Péret comme dormeurs inspirés.
À partir de ce moment, Robert Desnos se livre à des travaux de recherche d’écriture dans des directions assez diverses : ainsi, c’est de cette époque que datent les premiers textes de Rose Sélavy . Il participe aussi très activement aux diverses manifestations des surréalistes. En 1925, par exemple, il assiste, du côté enthousiaste, à la création de Locus solus .
1925, c’est l’année où il entre à Paris-Soir , comme caissier d’abord, comme journaliste ensuite. C’est également le moment où il écrit La Liberté ou l’Amour , ouvrage qui sera condamné pour obscénité par le tribunal de la Seine. Deux ans plus tard, il habite un atelier d’artiste au 45 de la rue Blomet, aujourd’hui détruit. Il y compose The Night of Loveless Nights ( » La Nuit des nuits sans amour « ), un poème lyrique et déchiré sur la solitude, curieusement écrit, comme Le Fard des Argonautes , en quatrains tout à fait classiques, beaucoup plus proches de Baudelaire que de Breton, en apparence toutefois : car les surréalistes n’auraient pas désavoué la révolte qui anime ces strophes émouvantes. On peut ici se demander si Desnos n’a pas délibérément choisi une forme traditionnelle en réaction contre le jaillissement de l’écriture automatique ou ensommeillée : il avait, cette fois, quelque chose de précis à dire, et tenait à le dire sans ambiguïté. Ce poème paraît dans Le Courrier littéraire , puis en une plaquette hors commerce, publiée à Anvers avec des illustrations de Georges Malkine.
En 1930, le surréalisme entre en crise. Robert Desnos rejoint la dissidence avec vigueur, puisqu’il est l’un des signataires du troisième Cadavre , celui qui enterre André Breton. Il poursuivra seul son chemin, dédaignant de s’agglomérer à un autre groupe, franc-tireur jusqu’au bout. Ou plutôt non : son chemin n’est plus solitaire, puisqu’il vient de rencontrer Youki, à qui il doit de pouvoir s’engager dans une nouvelle vie. La Nouvelle Revue française publie Corps et biens , recueil qui regroupe tout ce qu’il a écrit jusque-là. Il abandonne le journalisme quotidien pour un emploi chez un agent immobilier. Mais il ne le conserve pas longtemps.
En 1932, Paul Deharme, un des directeurs de la radio, lui propose de travailler avec lui. Ce projet enthousiasme Robert Desnos qui y voit à la fois le moyen de consolider sa situation matérielle et une nouvelle aventure de l’esprit. Il s’installe, avec Youki, au 19 de la rue Mazarine. Dans leur appartement défileront les personnages les plus insolites et les plus attachants. Les activités de Desnos se multiplient : trois mille slogans pour la radio, des dizaines d’articles sur la musique (sur toutes les musiques), de très nombreux scénarios de cinéma, presque tous inédits, des albums pour enfants. Et des poèmes, comme Siramour et Les Sans-Cou .
En 1936, il s’efforce d’écrire un poème par jour pendant un an. (Certains d’entre eux ont été réunis dans État de veille .) Sa générosité, qui lui avait fait croire à la Révolution (surréaliste), le conduit vers un humanisme de la fraternité qui, moins de dix ans plus tard, trouvera une épouvantable réponse.
En 1939, il est mobilisé, puis fait prisonnier, puis libéré : il retourne rue Mazarine et entre bientôt dans la Résistance. En 1942, il publie Fortunes , qui groupe les poèmes écrits entre 1932 et 1937, puis un curieux roman sur la drogue : Le vin est tiré . Il est alors membre d’un réseau de renseignements et de l’équipe des éditions de Minuit, fondées par Vercors.
Le 22 février 1944, Robert Desnos est arrêté par la Gestapo. Il est incarcéré à Compiègne, puis à Buchenwald, où il restera plus d’un an. Au printemps de 1945, devant la poussée des armées alliées, les S.S. reculent, déplaçant leurs déportés d’un camp à l’autre. La dernière étape sera Terezine, en Tchécoslovaquie. Le 3 mai 1945, les S.S. s’enfuient (tout seuls, cette fois) à l’arrivée des troupes soviétiques. Mais il est trop tard pour la fraternité : le 8 juin, Robert Desnos meurt emporté par la misère, l’épuisement.